Chroniques

LA PLUME DU FAUCON

Vous trouverez ici plusieurs articles traitant principalement des tendances sociales reliées à la vie de couple. M. Leblanc est chroniqueur pour divers journaux et magazines et son style d’écriture a beaucoup fait parler de lui. Sujets chauds, saupoudrés d’humour, il aura bonne plume pour chacun des lecteurs.

CHRONIQUE
Contrer les LGBTQ+Phobies (De 1 à 365 jours par année) (publiée le 16 mai 2017)
Le 17 mai, se tiendra la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie. Bien que tenue annuellement depuis près d’une décennie, souligner sa pertinence est plus que jamais nécessaire.     
Le 4 juin 2003, à l’initiative de la Fondation Émergence, se tient la première Journée nationale du genre au monde sous l’appellation « Journée nationale de lutte contre l’homophobie ». Cette initiative québécoise sera plus tard adoptée dans un contexte international (lire dans plusieurs pays), notamment suite à la Déclaration de Montréal prononcée lors de la Conférence internationale sur les droits humains des LGBT, dans le cadre des 1er Outgames mondiaux en 2006. Bref, Éric Duhaime a raison sur un point: le Québec est un des leaders mondiaux en matière de défense des droits LGBT. Cela dit, ce n’est pas parce que les avancées juridiques viennent entériner les droits, que l’égalité sociale est acquise pour autant! Il suffit de regarder plus loin que son nombril, pour constater que plusieurs LGBTQ souffrent en silence… D’où la pertinence d’une Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie. D’ailleurs, si la Fondation Émergence n’avait pas pensé plus loin que le bout de son nez, en 2006, elle aurait eu la réflexion suivante : « Depuis la légalisation des mariages entre conjoints de même sexe et nos Outgames, on peut se marier et faire du sport. Ca c’est l’égalité, Yé! Que demander de plus? ». Évidemment, la Fondation (comme nombre d’intervenants du milieu communautaire) ne s’arrête pas à des discours aussi réducteurs, car les minorités doivent toujours trouver de nouvelles façons de présenter leurs discours et besoins à la majorité. Bien que contextuellement très différents, nous pourrions établir des corrélations avec d’autres systèmes minoritaires… Il s’agit de se poser les bonnes questions: « Depuis que l’esclavage est prohibé, que les mariages  interraciaux sont acceptés, qu’Obama a été élu, est-ce que la discrimination des Afro-Américains aux États-Unis a cessé? » Peut-être est-elle moindre, certes, le racisme subsiste dans plusieurs milieux. « Depuis que les femmes ont obtenu le droit de vote et qu’on reconnait leur apport sur le marché du travail, est-ce que l’égalité est atteinte? » Sur certains pans, certes, le sexisme subsiste dans plusieurs milieux. Pour enrayer le sexisme, le racisme, au même titre que l’homophobie et la discrimination des groupes minoritaires, entre en jeu l’apport indéfectible des groupes communautaires.
 
Bien que l’homosexualité soit plus acceptée socialement, il reste encore du travail à faire. Maintes recherches le prouvent, sans compter les observations sur le terrain (caché derrière un micro radiophonique, avec des lunettes roses, la vision n’est pas très bonne). D’ailleurs, tant que la notion de « coming-out » existera, elle entrainera nécessairement un aveu, une possible confrontation des valeurs, ou du moins la nécessité d’expliquer sa différence. Souvent la différence entraine la peur, qui elle génère un mécanisme de défense lié à l’incompréhension (qui peut se traduire par des manifestations de rejet, de haine, d’homophobie). D’où l’importance de la démystification, effectuée notamment par les groupes communautaires. Dans une société où la population homosexuelle est plus ou moins estimée à 10%, elle se retrouve en marge du 90%. Est-ce qu’un jour il sera banal d’être homosexuel (le)? Peut-être. Le jour où ce sera 50/50. Encore là: c’est plus ou moins le cas avec le genre féminin/masculin et le sexisme persiste… Ainsi, aujourd’hui, l’homosexualité est - pour 90% de la population - une réalité avec laquelle ils ne vivent pas au quotidien. Et ce qui ne se présente pas au quotidien dans nos vies, n’est généralement pas banal. D’ailleurs, il y a une différence entre être homosexuel(le) et être un hétérosexuel qui a un frère, une soeur, une ami(e), un enfant homosexuel(le)… Vous côtoyez cette réalité, mais elle n’est pas la vôtre au plus profond de votre être… Faisons un parallèle: en vous regardant dans le miroir, vous demeurez blanc, même si votre meilleur ami avec lequel vous militez est noir: il y a une différence entre côtoyer et porter la différence… D’ailleurs, si jamais les statistiques mentent et que plus de 10% de la population est homosexuelle, on a un problème Watson: y’a plein de gens dans le placard!
 
Depuis quelques années l’intimidation en milieu scolaire en raison de l’orientation sexuelle fait l’actualité (soulignons le travail de la Fondation Jasmin Roy et autres initiatives du genre qui contribuent à contrer l’homophobie)… D’ailleurs, si Éric Duhaime discutait avec les intervenants du GRIS, il se rendrait compte que faire son coming-out (non pas derrière un micro à 47 ans) mais bien dans une cour d’école à 11 ans, ce n’est pas tout rose! Et le milieu scolaire, c’est presque du bonbon, comparé aux résidences pour aînés! Qu’en est-il des homosexuel(les) qui se retrouvent en CHSLD? Outre l’acceptation, le personnel est-il préparé et outillé pour gérer des situations homophobes/lesbophobes/transphobes? Un couple gai s’embrasse lors de l’activité de St-Valentin, ce qui entraine un commentaire homophobe de la part de M. Bigras….Une lesbienne (jadis étiquetée de vieille fille) est victime d’une agression lesbophobe, dans sa chambre, par un autre résident…. Un transsexuel opéré souffrant d’Alzeimer est victime de transphobie… Des situations hypothétiques (sinon réelles) soulignant notamment l’importance d’obtenir des espaces sécuritaires pour les LGBTQ+. N’en déplaise à Éric Duhaime, il reste bel et bien du travail à faire au Québec et il est loin d’être le dernier gai… Sinon le dernier à comprendre l’importance de continuer la lutte à l’homophobie en 2017. (C’est dire le travail qu’il reste à faire, à l’intérieur même de notre communauté.)
 
J’ai souvent entendu des discours du genre « Pourquoi vous avez votre journée, nous on n’a pas notre journée contre l’hétérophobie! » Et de répondre: «L’hétérophobie n’existe pas! D’ailleurs, c’est pas un peu égoïste de ta part, compte tenu que c’est 364 jours par année ta journée? (O.K. 363 si t’es un homme lors de la journée de la femme, cela dit c’est pas parce que c’est sa journée, que tu délaisses tes privilèges!) Pour te mériter ta journée il faudrait avoir été, sur quelques décennies, plusieurs fois victime (d’un préjugé, d’une violence verbale ou physique, ou même d’une peine d’emprisonnement ou d’une agression mortelle) liée à ton orientation hétérosexuelle qui est, je te le rappelle, celle du 90% de la population où toutes les institutions sont cons-  truites pour répondre à tes besoins, tes inquiétudes. Si tu veux « deviens homo », pour essayer, le temps d’une journée (c’est en vogue, y parait…). Mais t’auras pas le temps d’expérimenter toutes les joies possibles liées à l’homosexualité, incluant les propos déplacés, les regards insidieux, le coming-out à tes parents…Tu pourras même sortir le Champagne, car comme dirait certains,  « l’homophobie n’existe plus »!
 
En fait, l’homophobie existe. Elle est plus rare, mais souvent elle se cache, se raffine. C’est un peu comme les «auteurs» qui écrivent des livres nécessaires: ça existe, mais ça devient de plus en plus rare. Malheureusement, ceux qui raffinent leur propos, on les cache, et ce sont les autres qui sortent du placard éditorial.
 
Par : Julie Vaillancourt
Sur : www.fugues.com